CECILE SERRES

Conversation avec Hélène Mourrier, à partir du travail The Outsider et en vue d'Oh No!

 

 Voir le travail d'Hélène Mourrier

Le 25 mars 2017 à 14:14, Cécile Serres <cec.serres@gmail.com> a écrit :

 

Tu sais Hélène, je parcourais mon mémoire car j’ai toujours dans l’idée d’en faire un livre ( je ne sais plus trop comment l’appeler d’ailleurs, « manuscrit », « brouillon », « embryon littéraire », peu importe) et je suis retombée sur une phrase qui m’a fait repensé à nos discussions à propos de nos colères communes :

 

 « Vous êtes froids, vous cessez d’être émus, vous ne sacrifiez rien! »(Nietzsche, Fragments Posthumes )

 

Je me demande si tout cela ne fait pas sens avec ma hantise de la tétanie, de tout ce qui pourrait être fixe et définitif, comme clouté au mur finalement. Tu vois, c’est le gros problème de ce nouveau personnage, celui qui se réveille dans les grands espaces de béton. Ce qui lui arrive est que son attente se - le - transforme en objet et finalement il coule progressivement dans le monde sans vie des images. Pendant longtemps, j’ai associé le fait d’être émue à quelque chose contre lequel je devais lutter, car cela m’éloignait d’une sphère rationnelle que les artistes contemporains que j’avais pu observer semblaient occuper. Pour moi, la forme dans sa « pureté » devait se débarrasser de toute subjectivité, et je ne sais pas exactement d’’où j’avais fait ce calcul, mais il me semblais que je donnais plus de chance à mon travail ainsi pour qu’il soit pris au « sérieux ». C’était à l’adolescence de mon travail et j’étais tout de même très complexée car dans mon effort de produire des pièces les plus arides possible, un certain baroque grouillant, une plante grimpante de trivialité venait polluer les pièces, invariablement. Plus forte que moi, cette propension au sauvage venait saboter l’entreprise aseptisée de mes tentatives productions.

Impossible à dire à quel moment et pourquoi j’ai décidé d’ouvrir les vannes et de vivre en accord avec l’animal rieur, mais cela a coïncidé au moment où je me suis autorisée à traiter la peinture. Cette histoire de pollution et de raté ne m’a jamais quitté, mais j’ai décidé d’un faire un mode opératoire au lieu de lutter contre. Il y a quelque chose de Pierre Richard dans ma manière de produire, mais ces cascades en séries dans l’atelier et ces séries de « pas de bols » ont fini par se transformer d’un éternel « Oh No! » à un « Oh yes! » décidé.

 

 

 

 

Le 25 mars 2017 à 11:32, Hélène Mourrier <helenemourrier@gmail.com> a écrit :

 

Tu sais Cécile.

Sais-tu que je n'ai jamais lu ton mémoire ? J'ignore ce dont il regorge, ce dont il déborde. Nous avons ensemble un lien, des conversations, des retrouvailles, qui sont en dehors de nos endroits. De nos savoirs. J'aime notre entente, j'aime ton apparition, ou comment tu es apparue à moi ; nous nous regardions avec intrigue. Tu étais une intrigue amoureuse dans les expositions. Je venais voir, tu photographiais. J'ai fini par venir te voir, par t'espérer. Nous acceptions d'être chaudes, d'être touchées, d'être mues. De sacrifiez la fierté pour le feeling, pour le love at first sight, pour l'intuition.

 

Je souris en lisant "sérieux" mis entre parenthèse. Mon sourire c'est ta victoire à t'être éloignée de ce sérieux, cette envie d'intégrer le game, ton entreprise de contrôle sur toi-même, de penser à des formes qui correspondraient à une norme de l'art dit contemporain, plutôt que de faire des pièces qui sont ton terrain de lutte, de joie, de puissance, qui sont hors de la représentation et du langage, hors de l'audible. "Pureté" c'est le mot d'avant que tu mets en suspension / comme si entre nous, ils nous faisaient l'effet d'un frisson glaciale dans le dos / pureté ne se réfère à rien, à part, de mon point de vue, une surface hygiénique. Oui, nous nous ébrouions tou-tes les deux dans des substances salissantes, clinquantes, brillantes, glissantes ; nous dérapons.

 

Tes objets accrochés sur les murs, portés sur mes cuisses, caressés par mes doigts, tes tentatives de peinture corporelles cyprine-coquillages, ton excitation sur ta machine à coudre, tes éclats de rires et comme tu joins les mains ensemble quand tu es heureuse d'avoir fabriqué quelque chose m'impressionnent. J'aime m'approcher, les yeux rivés dans tes matières, dans tes formes, et sentir l'intensité, le désir que tu as accroché à l'intérieur. Peut-être que mes sensations sont exacerbées par mon goût pour ta personne, mais tes "oh oui" résonnent en moi très clairement. Ce que je reconnais quand ton travail entre en contact avec moi, c'est comme il sort de toi, et comme je le reçois, c'est comme tu l'offres, comme tu le tiens comme un présent, comme tu y prends du plaisir et comme ce plaisir circule en moi/nous. En cielles qui peuvent recevoir sa joyeuseté et son intensité. Je suis de cielles qui prennent ton travail comme un rayon de soleil sur le visage. Mmmmmmhhhhhhhhh.